HISTOIRE DES CARMES A TOULOUSE
LES GRANDS CARMES A TOULOUSE :
(du milieu du XIIIe siècle à la Révolution française)

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Les Grands Carmes, ou Carmes mitigés ou Carmes chaussés, ou encore Carmes de lAntique observance − ainsi dénommés pour les distinguer des Carmes déchaussés, ou Carmes déchaux, ou Petits Carmes − se sont installés à Toulouse vers la moitié du XIIIe siècle. Établis près du Faubourg Saint-Michel, dans la rue du Férétra, les Carmes construisent une première chapelle placée sous le vocable de Sainte-Marie-du-Mont-Carmel.
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Chapelle Sainte Marie du Mont Carmel
Rue du Férétra
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Blason des grands carmes
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En 1264, suite à lintégration du Carmel au statut dOrdre mendiant, ils quittent ce lieu désertique pour prendre possession dune maison achetée en 1242, rue Joutx Aigues, en plein quartier juif. La permission leur avait été accordée par Raimond VII, comte de Toulouse. Les Frères encore revêtus de leur longue chape barrée de brun et de blanc, telle quils la portaient en Terre Sainte sur le Mont Carmel, se dirigent en procession vers leur nouvelle implantation. Le départ des Carmes du Férétra pour le centre de Toulouse, est évoqué par un tableau conservé dans la sacristie de léglise de Seysses. Cette représentation iconographique est une trace unique de cet événement.
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Pièce de monnaie à l'effigie de Raymond VI
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Habit traditionnel des carmes au XIIIe siècle
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Rue Joutx Aigues
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Tableau de la translation des carmes au centre de Toulouse
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En 1266-1267, grâce à la bienveillance du pape Clément IV, les Frères élèvent une nouvelle église, toujours sous le vocable de Sainte-Marie-du-Mont-Carmel, et quelques bâtiments nécessaires à la vie conventuelle. Léglise sera consacrée en 1270.
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En 1348, ils achètent les terrains pour agrandir leurs édifices (réfectoire, cuisines, fours, grange, écuries, jardins). En 1440 et 1480, une dernière extension pour les latrines est réalisée de lautre côté de la rue. Une passerelle reposant sur un arc traverse la voie pour relier les latrines au couvent. Elle donnera son nom à la rue qui deviendra en 1520 « rue de lArc-des-Carmes ».
En 1511, limmense église, dont les travaux ont commencé 200 ans plus tôt, est enfin terminée. Léglise avait la forme dun T, la nef étant transversale, cest-à-dire placée à angle droit par rapport au chœur. Elle possédait un porche de dix mètres de large qui souvrait sur la grand-rue (côté Ouest de la place actuelle).
Le cloître se trouvait du côté sud et comportait deux niveaux. La galerie supérieure possédait des fenêtres ogivales ornées de colonnettes de marbre géminées. Il reste, ici où là dans Toulouse, des vestiges de ce cloître. Dimposantes statues, deux dalles funéraires provenant de léglise conventuelle se trouvent aussi au musée des Augustins.

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Prophète Elie: terre cuite vers 1690 sculptée par Marc Arcis
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Prophète Elisée : terre cuite vers 1690 sculptée par Marc Arcis
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Simon Stock: terre cuite vers 1690 sculptée par Marc Arcis
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Saint Paul
Calcaire XIVes
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Dalle funéraire de Pierre Cuguron
Notaire toulousain XVes
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En 1624, une petite chapelle est construite sur le côté nord de léglise. Elle est remplacée par une nouvelle chapelle consacrée à Notre-Dame du Mont-Carmel en 1678.
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La province de Toulouse, la plus petite de France, était originellement composée de quatre monastères : Toulouse, Castelnaudary, Castelsarrasin et Pamiers, séparés depuis 1342 de la province dAquitaine. Le chapitre général de 1532 y ajouta les couvents de Narbonne, Carcassonne, Béziers et Montréal, séparés de la province de Narbonne. Durant tout le XVIe siècle le couvent de Toulouse est le plus important centre détudes de la province. Entre 1518 et 1584, il appartient à la Congrégation dAlbi.
En 1604, le Prieur Général, Henri Silvio visite les couvents de Béziers, Narbonne, Carcassonne, Montréal, Castelnaudary, Toulouse et Castelsarrasin. À Béziers, il constate lextrême pauvreté de la maison après sa destruction par les protestants et une situation similaire pour les couvents de Narbonne et Montréal, pourtant récemment reconstruits. Le 9 mai, Henri Silvio convoque le chapitre provincial à Toulouse et publie les décrets de réforme.
En 1622, Gérald Say, nouvellement élu provincial, reçoit tous les pouvoirs nécessaires du Prieur général Sébastien Fantoni. En vain le provincial tentera-t-il de convaincre Philippe Thibaut denvoyer des Frères pour la réforme du couvent de Toulouse. Les efforts de réforme ne reprendront quen 1629, sous le priorat dAntoine Delor.
Lors de lenquête de la Commission des Réguliers en 1768, la communauté comptait 24 frères choristes et 8 frères convers pour un revenu de 17 173 livres. Parmi les observations remise à Étienne Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, on note : « Ce monastère a besoin de réformes depuis longtemps et à tous égards. Ils ont eu successivement deux ou trois provinciaux bien intentionnés, au zèle desquels on sest fortement opposé ».
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Le 14 mars 1789, le couvent est vendu, avec ses dépendances et ses biens. Il devient propriété nationale. Les derniers religieux ils étaient 21 prêtres et 6 frères − quittent les lieux en septembre 1791. Les Grands Carmes auront vécu pendant six siècles à Toulouse, remplissant la ville du chant de leur prière, diffusant inlassablement leur dévotion à la Vierge Marie, occupant pour la plupart des frères les bancs de luniversité de Toulouse. Ils laisseront à la République naissante le soin deffacer les traces visibles de leur passage. Aujourdhui, pour la plupart des toulousains les « Carmes » évoquent une place, un marché, un parking, une station de métro, un bar.

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L"église des carmes
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Destruction de l'église
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Ancienne place des carmes
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Halles sur le site
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Actuelle place des carmes
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Parking des carmes
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LES CARMES DECHAUSSES A TOULOUSE
(1623-1791)
PREMIERE FONDATION : 1622-1792
Septième monastère de Carmes déchaussés depuis lérection des couvents dAvignon (1608), Paris (1611), Nancy (1611), Charenton (1617), Lyon (1619), Meaux (1622), Toulouse sinscrit dans une politique dimplantation parfaitement mise au point par les supérieurs de lOrdre, utilisant les mêmes critères de discernement, les mêmes appuis sociaux et économiques au service de lexpansion de la religion catholique au lendemain des crises politiques et ecclésiales qui avaient secoué le pays pendant trop dannées.
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Les deux premiers Carmes déchaussés, Bernard de Saint-Joseph (ci-contre) et Séraphin de Saint-François arrivent à Toulouse le 26 juin 1622. Protégés par le pouvoir royal et bien accueillis par la population catholique toulousaine, leur fondation est financée par la veuve du Président du Parlement de Vézian. Ils achètent une petite maison et un jardin sur la bordure nord du domaine de la famille de Bertier, la propriété de Frescaty ou petit Montrabe.
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Les autorisations nécessaires à la fondation sont données avec une étonnante rapidité pour lépoque. Louis XIII signe les lettres patentes le 3 juillet 1622. Il manquait la permission de lordinaire Louis de Nogaret (ci-contre), cardinal de la Valette depuis 1621 et grand ami du Père Bernard de Saint-Joseph. Le prélat avait garanti au provincial de donner sa permission de fonder à Toulouse et den écrire à ses vicaires généraux. Ceux-ci voulaient bien, mais à la condition que les Carmes déchaux renonçassent au gouvernement des moniales, dont le monastère avait été fondé le 4 juin 1616 par la Mère Isabelle des Anges venue du monastère de Bordeaux, et que le tout fût confirmé par un arrêt du Parlement.
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Le 10 janvier 1623, le chapitre cathédral se réunit pour établir la transaction avec les Déchaux. Les Pères, forts du soutien dAnne dAutriche, se présentent aux capitouls de Toulouse avec les lettres patentes du roi, larrêt de la cour, la permission de larchevêque et celle des chanoines. Ils ont lautorisation le 16 février 1623.
Enfin, le 12 mars 1623, deuxième dimanche de carême et premier anniversaire de la canonisation de sainte Thérèse, Jean-Louis de Bertier, évêque de Rieux, célèbre la première messe dans la chapelle des Carmes.
La communauté est composée de sept religieux, les Pères Bernard de Saint-Joseph, Séraphin de Saint-François, Hyacinthe de la Croix, Antoine de la Mère de Dieu ; deux frères choristes, les Frères Gérard de Sainte-Thérèse et Élie de Sainte-Thérèse ; un frère convers, Dominique de Saint-Gabriel. Le Père Bernard exercera la charge de supérieur jusquen juin, date à laquelle il regagnera Paris pour y exercer la fonction de prieur à laquelle il a été élu par le VIIe chapitre général. Il quittera Toulouse le 31 juillet. Cest le Père Grégoire de Saint-Joseph, alors prieur de Paris, qui le remplacera à Toulouse. Dès le 4 janvier 1623, le définitoire général acceptera le transfert du noviciat de Lyon à Toulouse. Le Père Séraphin de Saint-François sera chargé de la formation des jeunes frères.
Les Carmes organisent de leur mieux la nouvelle maison. Une petite salle à lentrée leur sert déglise, bien que la porte en soit si basse que les personnes un peu grandes sont obligées de se baisser pour y pénétrer. Une pauvre grange devient leur réfectoire et leur cuisine. Deux chambres sont changées en cellules, et cinq vieilles couvertures leur servent pour se couvrir la nuit.
La chapelle du couvent est petite et incommode. Le 5 juin 1623, Mademoiselle de Lespinasse achète une seconde maison et une grange contiguës. Le 8 septembre 1623, Jean-Louis de Bertier célèbre la messe dans la nouvelle église. Ce nest quà partir du 12 août 1634 que le Père Bonaventure de la Mère de Dieu commença la construction de la nouvelle église dédiée à saint Joseph. Elle sera consacrée en 1665.
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Le couvent sérige progressivement. Il occupe une épaisse et forte construction en briques, élevée sur deux étages, au moins des côtés du Nord-Ouest, du Nord-Est et du Sud-Est. Le cloître, aux arcades en cintre régulier dans le style de lépoque, dessine un carré, dont chaque côté correspond à sept de ces arcades. La galerie supérieure sera substituée en 1948 seulement à celle du second étage. Chaque niveau est scindé par un vaste couloir tracé dans laxe, sur lequel souvrent de part et dautre les portes par lesquelles les religieux entrent dans leurs cellules. Ces pièces, larges denviron 3 mètres sur 2,75 mètres, disposent chacune dune fenêtre. Léglise conventuelle, face à la Porte Montgaillard, se dresse sur le côté Sud-Ouest des bâtiments monastiques. Le clocher en briques au toit dardoises possède un carillon récemment restauré.
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Les frères vivent des messes célébrées au couvent, de quelques prédications à lextérieur et du fruit du travail accompli par les convers. Le couvent de Toulouse possède son propre noviciat et son Collège, cest-à-dire sa maison de formation pour les étudiants. Ainsi, la communauté pourra compter jusquà une soixantaine de frères.
Le jardin est suffisamment grand pour nourrir les Carmes et la vigne produit assez de vin pour étancher leur soif. Les bienfaiteurs sont nombreux et souvent fortunés. Beaucoup dentre eux seront enterrés dans léglise conventuelle.
En 1768, la communauté est composée de 12 prêtres, 5 étudiants en philosophie et 8 frères lais. La Commission des réguliers, note : « Communauté en général assez régulière. Les études y sont assez bonnes et les supérieurs zélés ».

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En 1791, restent 11 prêtres et 7 frères. Parmi eux figure le Père Hyacinthe Sermet, prédicateur français et occitan, membre de lAcadémie des sciences de Toulouse, qui sera élu Archevêque constitutionnel de Toulouse. Très impopulaire aux yeux de ceux qui refusent les réformes religieuses de la Constituante, il ne peut sortir de chez lui et déclare navoir avec lui que cinq ou six prêtres « vertueux et éclairés ».
Expulsés de leur couvent par la Révolution, après 168 ans de présence à Toulouse, certains Carmes rejoignent le clergé séculier ou retournent dans le monde. Sur les 11 prêtres de la communauté, 8 prêtent les différents serments qui ont fleuri durant la Révolution, dont celui de Haine à la royauté de 1796.
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Après la suppression des ordres religieux, les dispositions conformes à celles de lAssemblée constituante du 29 août 1791 assurent lusage de léglise à la population. Pour être remise au culte catholique dune manière pérenne, un décret impérial est rendu le 9 avril 1806. Le 2 janvier 1807, larchevêque de Toulouse et Sénateur de lEmpire, lérigera en annexe de la cathédrale Saint-Étienne, sous le vocable de Saint-Exupère.
En 1794, par volonté de Philippe Picot de Lapeyrouse, le Directoire départemental recherche un lieu pour le musée dHistoire naturelle. Un rapport du 29 Prairial An II (17 juin 1794) propose le jardin de Frescaty que les Carmes avaient acquis en 1714. Telle est lorigine des actuels Jardin des plantes et Museum dHistoire naturelle de Toulouse.
Les anciens bâtiments conventuels, transformés par lÉtat en abattoir à cochons et atelier national de salage des viandes pour larmée et la marine, sont transformés en une salle de démonstration et réserve des collections du cabinet dhistoire naturelle. Un appartement pour le conservateur est aménagé dans les anciens dortoirs des frères.
Par décret du 27 juillet 1808, Napoléon donne à la ville de Toulouse les terrains et les bâtiments du jardin, qui, malgré linstallation du musée et du Jardin des plantes, étaient toujours propriétés de lÉtat.

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Musée d'histoire naturelle de Toulouse et jardin des plantes : ancienne propriété des carmes
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DEUXIEME FONDATION : 1872-1880
Le 25 mai 1872, alors que les premières démarches remontaient à 1854, le Père Basile du Saint-Nom-de-Marie, chargé de finaliser la quinzième fondation des Carmes déchaux après la Révolution, signe lacte dachat dune vaste propriété ayant appartenu aux Dames Maltaises, branche féminine de lOrdre souverain de Malte.
Le terrain du quartier Saint-Cyprien est à lépoque circonscrit, au Nord par la rue Bonaparte ou de Bayonne (aujourdhui rue de la République), à lEst par la place Chairedon (aujourdhui place Olivier), au Sud par la rue des Teinturiers et à lOuest par la rue de Villenouvelle (aujourdhui rue Joseph Vié).

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Ancien lieu d'implantation des carmes au XIXes
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Place Olivier
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En 1872, la propriété comprend un immeuble avec cour et dépendances, une maison avec remise et jardin donnant sur la rue de Villenouvelle, une maison avec décharge donnant sur la rue des Teinturiers, un immense enclos et jardin.
« Après lachat du bien foncier, il faut transformer les bâtiments en monastère. La partie donnant sur la rue Bonaparte avec le jardin sera destinée à la communauté. La cour de 20 mètres sur 25 sera maintenue telle quelle. Puis, deux longs corps de bâtisses (30-35m sur 6-7 mètres), séparés par une rue dégale longueur, serviront déglise. Pour ce faire, une longue voûte ogivale jetée au-dessus de la rue, servirait de nef principale et on percerait de larges ouvertures gothiques sur les longueurs des murs des constructions latérales.
« Les bâtisses devenaient ainsi les bas-côtés de la nef principale. On divisa ces bas-côtés au moyen de petits murs en chapelles latérales communiquant entre elles par de larges portes. À la hauteur de 4 mètres et dans ces mêmes bas-côtés on dressa des planchers, ce qui permit davoir des tribunes latérales sur toute la longueur de la nef et de chaque côté. On fit le chœur des religieux au moyen de trois pans coupés ayant chacun une longue ouverture ogivale pour donner le jour.
« Lorangerie est transformée en couvent proprement dit. Au rez-de-chaussée on fait un couloir qui le partageait dans toute la longueur, ayant six cellules au Midi donnant sur limmense jardin et à gauche la cuisine avec ses dépendances, le réfectoire et la salle de communauté. Le premier étage avait également un couloir au milieu de six cellules de chaque côté » (Jean Rocacher).
Pour se rendre compte de la dimension de léglise, il suffit de penser que lactuelle rue Arzac, correspond exactement dans toute sa largeur, et presque jusquà la place du même nom, à la nef de léglise des Carmes, au cloître et aux cellules des frères.
Les travaux achevés, le Père Joseph-Marie de Louis de Gonzague, provincial dAquitaine, prend possession des lieux, placés, comme ceux de la porte Montgaillard en 1623, sous le vocable de Saint-Joseph.
La communauté est composée des Pères Basile du Saint-Nom de Marie, vicaire, Emmanuel du Saint-Sacrement, Athanase de lImmaculée Conception, et des Frères Santos de Jésus-Crucifié, menuisier, Damase de lImmaculée Conception, sacristain, Ildefonse de Saint-Joseph, cuisinier, Louis-Marie de Sainte-Thérèse, charpentier.
Le dimanche 5 octobre 1873, Monseigneur Jules Florian Félix Desprez, archevêque de Toulouse depuis 1859, vient pour bénir la maison. Un témoin raconte : « Comme il y avait eu de grands obstacles à surmonter depuis 20 ans, il voulut chasser le démon qui avait fait tous les efforts pour faire échouer cette fondation. Il employa beaucoup deau bénite, 2 litres environ, pour asperger léglise et le couvent et suivant les expressions du rituel quil voulut suivre à la lettre, il parcourut toute la grande nef, les chapelles latérales, le sanctuaire et le chœur, depuis les fondements jusquau faîte de lédifice ». Le Père Athanase de lImmaculée Conception célébra la messe sur lautel de Notre-Dame-du-Mont-Carmel et le Père Provincial célébra sur le maître autel.
Le lendemain, une grande procession drainant une foule nombreuse, se déploya dans Toulouse. De retour au couvent, la journée sacheva par le chant du Magnificat, du Te Deum et par le salut du Saint-Sacrement.
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Les 23-24 juin 1875, le quartier Saint-Cyprien est totalement inondé par le débordement de la Garonne. Les dégâts sont immenses et les conséquences durables : 1 219 maisons écroulées, 208 morts et un total de perte évalué à 12 500 000 francs.
En 1875, la communauté compte six Pères et 3 Frères. Tous sont témoins des événements, sauf le Père Antonin, en déplacement à Pamiers.
Le couvent subit le même sort que les maisons avoisinantes. Rapidement, il commence à être détruit par les eaux. En un premier temps, le Père Basile rassemble la communauté dans la buanderie et décide de consommer les Saintes-Espèces. « Mes amis, leur dit-il, comment nous sauver ? Faites chacun ce que vous pouvez. Moi, je reste ». Au rez-de-chaussée, leau monte jusquà la ceinture. Le soir, il faut se réfugier sur le toit. À trois heures du matin, léglise sécroule dans un craquement épouvantable.
Au matin du 24 juin, sur les huit Carmes présents au monastère Saint-Joseph, sept sont sains et saufs. Réunis chez les Dominicains, ils célèbrent autour du Père Basile, une messe pour le repos de lâme du Père Emmanuel, que tous croient mort. En réalité, ce dernier, emporté par les eaux du fleuve, avait échoué à lhôpital de La Grave et recueilli par le Père Marie-Antoine de Lavaur, célèbre Capucin du couvent de la Côte Pavée. Le Père Emmanuel imaginant être le seul survivant ne bougea pas jusquà larrivée du Père Basile. La communauté est de nouveau rassemblée pour constater létat lamentable de leur couvent.
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Il faudra deux années de travaux pour remettre debout les restes du couvent Saint-Joseph. La reprise du culte date du 5 août 1877. On ne sait pas comment fut rebâtie la chapelle des Carmes Saint-Cyprien. La vie conventuelle sarrêtera une nouvelle fois avec la dispersion des communautés religieuses décidée par le gouvernement de Jules Ferry le 29 mars 1880.
Un témoin raconte lexpulsion du 16 octobre 1880 : « Samedi 16, à 3 heures du soir. Arrivée de la police. Contestation du Père Hyppolite. Avant lapposition des scellés, le Père Hyppolite veut emporter le Saint-Sacrement à la paroisse. Il est transféré dans une cellule. Le curé de Saint-Nicolas (paroisse du couvent) à la porte du monastère reçoit la bénédiction du Père Hyppolite. Les expulsés sont recueillis par des amis. Belle attitude des habitants du faubourg. Une bande avinée et payée hurle la Marseillaise ».
Le départ des Carmes, pour lexil en Espagne, après seulement huit ans de présence à Toulouse, inaugure le démembrement final du beau et vaste domaine des Maltaises.
TROISIEME FONDATION : 1986 à nos jours
Expulsés en 1791 par la Révolution, puis de nouveau en 1880 par les lois anticléricales, les Carmes déchaux reviennent à Toulouse en 1986 pour une nouvelle fondation, après plus dun siècle dabsence.
Ils achètent dabord aux Pères Jésuites, le 9, rue Monplaisir, ancienne maison de lApostolat de la prière et placent leur couvent sous le vocable de Saint-Joseph. Le bâtiment, situé sur le territoire de la paroisse Saint-Expuère (ancien couvent de lAncien régime) devient vite trop petit pour accueillir les étudiants Carmes en formation à lInstitut Catholique.
En 1988, la communauté se scinde en deux, laissant les étudiants en philosophie au couvent Saint-Joseph, et installant les étudiants en théologie au couvent Saint-Jean de la Croix, dont les bâtiments avaient été achetés aux Pères Rédemptoristes. Le couvent du 2, rue dAquitaine avait été fondé par les Franciscains en 1914, dans le quartier du Raisin sur un terrain en bordure du chemin de la Croix-Daurade, que délimitaient deux voies devenues plus tard les rues de Tunis et dAquitaine. Les Franciscains vendirent leur couvent aux Rédemptoristes en 1926 et ceux-ci aux Carmes déchaux en 1988.

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Couvent rue Monplaisir
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Couvent rue d'Aquitaine
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En 1999, profitant dune belle opportunité, les Carmes vendent le couvent Saint-Joseph (9, rue Montplaisir), aux Pères Jésuites et celui de la rue dAquitaine aux Pères Capucins, pour racheter à ces derniers le grand et spacieux couvent du 33, avenue Jean Rieux, fondé par le Père Marie-Antoine de Lavaur.
Cest dans ce couvent sans style architectural particulier mais pourvu dun vaste jardin, que vivent actuellement les Carmes déchaux.
BIBLIOGRAPHIE
Lesur, Sabine, « Le Couvent des Grands Carmes de Toulouse au XIIIe siècle », Cahier de Fanjeaux, n° 8, Toulouse, 1973, p. 101-110.
Morgain, Stéphane-Marie, « Linstallation des Carmes déchaux à Toulouse en mars 1623 : De la Ligue au catholicisme royal », Revue dHistoire de lÉglise de France, tome 89, n° 223 (Juillet-Décembre 2003), p. 363-383.
Prin, Maurice, Lentrée des Carmes à Toulouse daprès un tableau conservé à Seysses, Mémoires de la Société dArchéologie du Midi de la France, t. XLV, 1983-1984, p. 5-17.
Rocacher, Jean, « Les Carmes à Toulouse », LAuta, nouvelle série, n° 586 (1993), p. 152-160 ; n° 588, p. 199-204 ; n° 589, p. 249-256 ; n° 590, p. 272-279.
Smet, Joachim, The Carmelites. A History of the Brothers or our Lady of Mount Carmel, vol. III, Part I, Carmelite Spiritual Center, Darien, 1982, p. 89-109.
Meyer, Jean-Claude, Deux théologiens en Révolution. Luniversitaire Paul Benoît Barthe, évêque du Gers, le carme prédicateur Hyacinthe Sermet, évêque métropolitain du Sud, Préface de Jean de Viguerie, Paris-Toulouse, Parole et Silence-Centre Histoire et Théologie de lInstitut catholique de Toulouse, 2011.
Les drames de linondation à Toulouse, Paris-Toulouse, 1875 (On y retrouve les témoignages des Pères Athanase et Emmanuel, p. 146-156).